Il y a davantage de cinéma dans le dernier Schroeter que dans la plupart des films de ses collègues réunis en académie, oscar, césar et autres cercles professionnels. On peut même dire qu'en voyant Deux tout spectateur est comme condamné au cinéma, condamné à y croire, à faire comme si cette histoire mouvementée et violentée à de multiples reprises pouvait tenir debout, alors qu'elle est littéralement incroyable, comme si ces déchaînements de passions étaient la matière même du septième art selon Werner Schroeter. Un spectateur condamné et exécuté dans la foulée par un cinéaste transformé en ogre bourreau des hautes et basses oeuvres. Deux figure l'échafaud du film raisonnable, du spectateur qui ne ferait que consommer des films-spectacles, des plans de carrière d'acteurs et des producteurs trop frileux.
Collage des visions. Avec ce film, Werner Schroeter remet en route, dans la lignée du Règne de Naples, de Palermo, du Roi des roses ou de Malina, la machine à fantasmes, à sensations et à couleurs, souvent jusqu'au délire du film sous drogue, sous hallucinatoires, excessif par nécessité, violent par compulsion de tout embrasser, audacieux par définition.
A travers les existences parallèles, entrecroisées et sans cesse réfléchies, d'une mère (Bulle Ogier) et de ses deux filles, soeurs jumelles séparées à la naissance (jouées par la même Isabelle Huppert), le film fait l'unique pari du collage des visions, parfois les plus contradictoires, souvent les plus baroques, échevelées.