Un homme se dévoile, un cinéaste filme le coeur de sa misogynie. Derrière la nostalgie apparente de son titre, le Sourire de ma mère est une machine de guerre d'une sereine férocité contre un tabou ultime : l'esprit de sacrifice des mères érigé en vertu féminine indétrônable par deux millénaires de religion. Le film commence ironiquement par une annonciation : un envoyé sirupeux du Vatican, tel un ange rance, annonce à Ernesto Picciafuoco (peintre romain, intellectuel athée, père d'un petit garçon) que sa mère, assassinée antérieurement par l'un de ses frères atteint de démence, fait l'objet d'une procédure de canonisation. Stupeur qui tourne au cauchemar quand Ernesto découvre que toute sa famille, épouse et tantes en tête, est en plein délire béatificateur, afin de redorer le blason familial mis à mal par «les désastreux idéaux» de types comme lui. S'ensuit une comédie anticléricale poilante et grave, traitée avec l'étrangeté et la brièveté d'un songe, dans une Rome intemporelle qu'Ernesto s'emploie sur son ordinateur à détruire virtuellement.
Maturité. La famille et l'église ont été les cibles favorites de Bellocchio. Mais loin de ratiociner, le film possède la fraîcheur d'une renaissance (tout est encore à filmer). Deux ans après le classicisme gracieux de la Nourrice (adaptation en costumes à contre-courant des fables politiques échevelées d'antan), Bellocchio, désormais libéré de l'absurde gourou Massimo Fagioli, confirme la richesse d'une maturité lucide et audacieuse.