Trois gouttes de sperme giclent sur le ventre d'une femme comme autant de touches sur une toile. Comment filmer la peinture ? Im Kwon-taek répond de la plus radicale des façons. L'un des grands cinéastes du moment présente son 98e film, Ivre de femmes et de peinture, et confronte pour la première fois son art avec celui d'un peintre, Ohwon, un maître coréen du XIXe siècle, né en 1843, disparu sans laisser d'adresse vers 1897.
Mais les derniers plans du film ne montrent pas Ohwon en train de peindre. Il boit, il fait l'amour, il disparaît. Il boit pour atteindre l'état du «nuage flottant» propre à l'inspiration. Il fait l'amour avec une prostituée, belle jeune femme à son service, raffinée, qu'il violente avec une folle ardeur. Il disparaît d'un coup, entrant vivant dans le four embrasé d'un potier, sans témoin ni personne pour le retenir. Trois pulsions, filmées littéralement, avec une brusquerie tendue entre la sauvagerie et l'élégance, entre le grotesque et le civilisé, qui forment les fondements de l'art selon Im Kwon-taek. Car Ohwon a peint comme il a bu, travaillé avec la même ardeur compulsive qu'il déployait à séduire les femmes et mené sa vie d'artiste comme il a réussi sa mort : avec une fulgurance mystérieuse.
Saga. Ohwon fut un peintre au destin exceptionnel, ce que le film, respectant les règles de la biographie filmée, révèle non sans grandeur, parfois grandiloquence, mêlant l'histoire individuelle et les éclats du récit collectif. Les méandres de la saga historiq