envoyé spécial à Marseille)
«Il y avait dans mes sensations un je-ne-sais-quoi d'étrange, d'ineffablement neuf et, par sa nouveauté même, d'incroyablement exquis. Je me sentais plus léger, plus heureux dans mon corps. Dès le premier souffle de cette vie nouvelle, je sus que j'étais plus pervers, dix fois plus pervers, livré en esclavage à ma méchanceté originelle», écrit Stevenson au début de l'Etrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde (1). En donnant corps aux récits de métamorphose, le cinéma s'est immédiatement imposé comme l'art chimérique par excellence, celui qui allait pouvoir montrer, dans un même mouvement, le passage d'un corps à un autre, d'un sexe à un autre, d'un monde à un autre. Le changement d'identité, vers le monstre comme l'idéal, à destination de l'étrange comme de sa propre vérité, a été l'entre-deux qui autorisait toutes les explorations, qui rassemblait tous les publics, qui éveillait en chacun (personnages ou spectateurs) des corps insoupçonnés. Des premiers films forains peuplés de corps mutants aux plus récents opus bourrés de masques et d'effets spéciaux, il est toujours question d'un cinéma mettant à mal le mythe de l'unité du sujet, s'aventurant vers les méandres de la schizophrénie et de la psychose. Parce que c'est cela, précisément, qu'il rend le mieux : le mouvement d'une personnalité l'autre suivant la confusion des corps, le passage dans le même plan d'une identité à l'autre.
Cent vingt films. De Tod Browning à Tim Burton, d'Ernst Lubitsch à Dav