Quand Raymond Depardon, 61 ans, et Abderrahmane Sissako, 41 ans, se rencontrent, ils se serrent la main et se mettent à parler. Il n'y a même pas à jouer les intermédiaires ni à introduire le débat. Ils trouvent les bonnes questions, entre cinéastes, tout naturellement.
Le Blanc et le Noir
Raymond Depardon . L’important, c’est que des regards se portent sur l’Afrique. C’est l’urgence, on en est là, malheureusement. Car il y a une certaine désertion/désertification : les regards se désengagent. Il ne faudrait pas que les artistes fassent la même chose que les politiques. Plus les Africains feront des films, plus les Français feront des films, plus les Européens feront des films, mieux ce sera.
Abderrahmane Sissako. Le vrai problème, en ce moment, c’est que l’Afrique parle très peu d’elle-même. Elle n’en a pas les moyens. Rien n’est mis en place pour faire naître un regard. Cela décourage, ou encourage à l’exil hors du continent. Désormais, il y a beaucoup plus de regards extérieurs sur l’Afrique, même un peu décalés (moi le premier, qui vis en France), que de regards venant de l’intérieur du continent. Ne vivant pas le quotidien, je ne peux plus dire que je suis une conscience africaine...
R.D. Vous êtes modeste. Car vous avez réalisé un film très «intérieur» ; cela se voit sur les visages, les gestes. C’est moi qui ai fait un film extérieur, comment pourrais-je faire autrement ! J’assume ma condition de Blanc venant regarder l’Afrique, même si je suis