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Libération

J'irai cracher sur votre hymne

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publié le 29 janvier 2003 à 22h01

«Je conchie l'armée française dans sa totalité», a écrit Aragon, comme Libération de lundi nous le rappelait (1). La formule, véritable petite bombe compacte de littérature à déflagration politique, est si puissante et radicale qu'elle est aussi devenue un grand moment de cinéma. Elle est en effet textuellement citée par Luis Buñuel, et son scénariste Jean-Claude Carrière, dans le Charme discret de la bourgeoisie (1972), au cours d'une scène désopilante qui oppose le colonel Claude Piéplu à l'ambassadeur du Miranda, Fernando Rey.

Exaspéré par le militaire, qui insinue que la République ­ imaginaire ­ du diplomate est une sanglante dictature, ce dernier lui inflige droit dans les yeux ce supplice symbolique et profanatoire (que nous prendrons toujours plaisir à répéter) : «Eh bien moi, je conchie l'armée française dans sa totalité.»

Faisons confiance au métèque Buñuel, au surréaliste, pervers, républicain, apatride, anticolonialiste et internationaliste Buñuel, à l'Espagnol, au Mexicain, au Parisien et francophone Buñuel : il a certainement fait rouler jusqu'à l'extase dans sa bouche étrangère la phrase parfaite du poète. A l'écran, c'est manifeste : il en fait jouir ses acteurs, ses personnages, son public. C'était au siècle dernier : trente ans à peine et déjà une éternité...

Car voilà : six mois de prison et 7 500 euros d'amende sont désormais encourus par ceux qui commettent «un délit d'outrage à l'hymne ou au drapeau national», selon un amendement à la loi Sarkozy, que la g