Devant son nouveau navire flambant neuf, le petit homme élégant est fier. Le MK2 Bibliothèque est l'aboutissement d'un destin, forgé avec une volonté de fer, celui qui mène le garçon juif émigré de Roumanie à 9 ans, suivant ses parents dans l'exode d'après-guerre vers la France, au troisième diffuseur de films à Paris, recevant trois millions et demi de spectateurs par an.
La vie de Marin Karmitz tient en quelques dates et en quelques chiffres, édifiants. A vingt ans, il entre à l'Idhec, l'école de cinéma, spécialisé comme opérateur, débute stagiaire chez Yannick Bellon, puis assistant chez Pierre Kast, Agnès Varda (Cléo de cinq à sept), Godard (la Paresse). Il est cinéaste à trente ans avec Sept jours ailleurs, photographe pour l'agence de presse Libération à la fin de 1971, enfin réalisateur activiste (tendance gauche prolétarienne) après 68, avec Camarades et Coup pour coup.
Pour les auteurs. Ce qui devait être un rêve n'est qu'une impasse : Karmitz, à 35 ans, sait qu'il ne sera pas cinéaste, il l'a vu dans les yeux de Godard, et dans son propre reflet. Il fera plutôt voir les films des autres, puis les produira, uniquement des grands auteurs, même sur le retour (ou des jeunes, mais prometteurs), ceux qu'il respecte.
Le 1er mai 1974, il ouvre le 14-Juillet Bastille, sa première salle, dans un quartier alors populaire, afin de montrer des films militants, souvent sud-américains (le premier fut le Courage du peuple de Sanjines). Puis vinrent le 14-Juillet Parnasse en 1976, le