Eminem nous prend la tête et l'honnêteté voudrait que l'on cherche à comprendre pourquoi. Or, ce n'est vraiment pas facile. Ce qu'il faudrait, c'est pouvoir lui mettre une bonne paire de baffes avant de lui confesser toutes les bonnes raisons qui font que, malgré tout, il est encore plus intéressant que haïssable.
Enfant brut, enfant brute et enfant rebut de la misère américaine, déchet blanc en zone noire, roquet misogyne et casseur de pédés (comme si, à l'impossible racisme cutané, il avait substitué un féroce racisme sexuel), Eminem, lorsqu'il est entré en scène, a parfaitement joué son rôle sincère de crétin patenté pour lequel la correction politique, les mouvements gays et féministes ou le militantisme démocrate incarnent l'establishment américain dans toute sa révoltante morgue. En ce sens, celui des «valeurs» attribuées à la musique populaire, Eminem, c'est un peu la révolution conservatrice appliquée au rock : un eczéma réac à l'état pur. Le «rappeur blanc», comme l'a bêtement surnommé la presse, s'est ainsi mis à dos les trois quarts de la rock critic planétaire, conformément à son programme cependant, puisque Eminem, au fil d'un certain discrédit blanc urbain et cultivé, a symétriquement gagné sa solide crédibilité auprès des publics blacks puis du très vaste auditoire populaire mondial.
Mais depuis sa fracassante irruption dans le paysage, quelque chose a changé. Est-ce lui, est-ce nous, est-ce le monde ? En tout cas, Eminem occupe aujourd'hui un point de focalisat