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Libération

Le cinéaste aviateur

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Une façon de survoler le monde, une distance, une hauteur de vue...
publié le 5 mars 2003 à 21h49

Une figure peut-elle se substituer à l'absence d'un visage ? En refusant d'apparaître, Chris Marker, l'homme sans biographie, sans photographies, le Fantomas du cinéma, celui dont on ne sait rien en dehors des oeuvres (ce qui déjà n'est pas mal), nous fait ce cadeau : on peut se l'imaginer à sa guise. La nôtre, de guise, le verrait volontiers aviateur.

L'utopie, toujours. De l'aérodrome de la Jetée à la grande odyssée des mondes de Sans soleil, sans oublier les vues d'avions (de chasse) qui font tenir sur une même coupe trente ans de lutte (des classes) dans Le fond de l'air est rouge, le cinéma de Chris Marker a beaucoup survolé. Survol du monde, de ses zo nes de perturbations (historiques), de ses géographies, ses massifs, ses archipels, ses signes, ses alarmes. Le monde, vu d'avion, a toujours l'air plus grand, plus aéré, plus utopique. On en repousse l'horizon.

Il y aurait une philosophie de l'aviateur : l'utopie, toujours. L'utopie en ce qu'elle réinjecte du possible là où les autres ne voient que la banalité des choses, l'insignifiance ou la fatalité. Un cinéaste aviateur, c'est déjà une pensée aux commandes d'une machine de vision. On se souvient d'une des phrases socles de Sans soleil : «Il disait qu'au XIXe siècle, l'humanité avait réglé ses comptes avec l'espace, et que l'enjeu du XXe était la cohabitation des temps.» Et l'enjeu du XXIe ? Un temps de jeu vidéo (Level Five) où se jouerait la réconciliation fraternelle du souvenir et de l'oubli, l'envers et l'endroit d