Par un de ces courts jus sémantiques dont la langue moderne a le génie, le mot people, transplanté tel quel dans notre français courant, désigne désormais les élites du monde du spectacle, de la mode, des arts et du divertissement, soit exactement le contraire du sens que nous avions appris à y mettre depuis nos cours de sixième (et les disques de Patti Smith) : en anglais, comme en Marx, comme en rock, people signifie peuple.
Ces jours-ci pourtant, l'actualité semble apporter un justificatif inattendu à cette connexion des contraires : le pipole symbolisé par l'Olympe hollywoodien et le peuple qui s'incarne désormais en «opinion mondiale» font choeur commun contre la guerre en Irak. Le phénomène est loin de n'être qu'américain : il a commencé à Madrid, il y a trois mois, lorsque la cérémonie des goyas (awards locaux) tourna au virulent happening antiaméricain. Même tendance au Festival de Berlin puis aux césars, et il serait très étonnant que l'on n'entende pas la voix des anti-Bush aux oscars, le 23 mars.
La manif de stars contestataires américaines a tout de même de l'allure. Une pasionaria établie et irréprochable : Susan Sarandon. Des bataillons new-yorkais personnifiés par Martin Scorsese, Spike Lee, Edward Norton. La mère Courage Jessica Lange et son million de signatures apportées personnellement à la Maison Blanche. Et par-dessus le marché du très gros poisson de box-office (Meryl Streep, George Clooney, Martin Sheen), sans compter tout le petit personnel des