Le collectionneur de l'Hypothèse du tableau volé avait sur le théâtre de l'artiste peintre Tonnere un avis tranché : «Vous dites que la mise en scène est théâtrale. Mais que signifie théâtrale ? Les gestes, la disposition des personnages ? Non, pas du tout. Ce que vous appelez théâtrale provient d'un simple détail : l'éclairage. De ces deux rayons de lumière, l'un entré par la fenêtre de droite, l'autre par la fenêtre de gauche. Ce qui suggère un monde avec deux soleils.» Si le cinéma de Raoul Ruiz pouvait tenir en une réplique mais autant avertir qu'un tel condensé n'appartient pas à l'ordre du possible , celle-ci, venue d'un de ses films les plus troublants, en 1978, pourrait faire l'affaire. On y perçoit ce qui passionne le cinéaste chilien dans tous les ordres de l'image, que ce soit le cinéma ou la peinture : une représentation du monde sous son angle truqué, cette scène «éclairée sous deux soleils».
D'hypothèses. Il faut entendre l'expression «théâtre de Ruiz» dans son acceptation la plus large : une mise en scène effectivement théâtrale dans le sens où elle ne croit pas à la réalité mais s'appuie sur son illusion, voit le monde en tant que scène permanente, comme un dispositif immense et infini. Dispositif ouvert, truqué, piégé (gare aux faux raccords, attention à la marche), où l'envers vaut sept fois l'endroit, pour un théâtre spéculatif, un théâtre d'hypothèses : sur les puissances du faux, sur leur vertige. Voilà donc rassurés ceux qui, déjà, s'inquiétaient de v