Trente ans après le Festival de Cannes, où sa vérité avait saisi des spectateurs confrontés, pour la première fois, à la réalité de la guerre d'Algérie, Avoir vingt ans dans les Aurès, le chef-d'oeuvre de René Vautier ressort. Ce film de fiction est aussi, et toujours, le document le plus juste sur la «sale guerre».
1928, 15 janvier. Naissance à Camaret, presqu'île de Crozon, pays des «filles» et de la langouste.
1934. Premier souvenir des Fêtes de la mer, à Camaret. Les gens se croisaient, sortaient de leur milieu. Ma mère, institutrice, et mon père, ouvrier, m'emmenaient sur les bateaux. C'était la seule fois de l'année où ma mère saluait le curé de Camaret.
1944. Résistance dans le maquis, compagnie FFI du Sud-Finistère. J'avais 16 ans, plusieurs de mes copains sont morts dans un accrochage avec les Allemands, et mon meilleur ami a été déchiqueté par une bombe américaine. C'est là que je suis devenu antimilitariste. Après la guerre, je n'ai plus voulu porter une arme. Un ami m'a dit : «Si tu ne prends plus d'arme, prends une caméra.»
1946. Concours de l'Idhec, l'école de cinéma, à Paris. J'étais trop jeune au moment de l'inscription, mais j'ai été pris. Claude Sautet a été voir la liste des reçus avec moi : «En tête, c'est Vautier...» Personne n'y croyait, avec mon accent breton.
1947. Premier exercice pratique avec caméra, à l'Idhec. J'avais décidé de filmer une manif des étudiants antiracistes. J'ai demandé une autorisation et obtenu un brassard de la préfecture. Je pouvais