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Libération
Critique

Les écrans de la colère

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publié le 26 mars 2003 à 22h22

Les patrons devraient contourner la Seine-Saint-Denis pendant une dizaine de jours : le douzième Festival Côté Court se lance, à partir de vendredi, dans une entreprise enragée autant qu'impossible : dresser le portrait de quatre-vingt-dix ans de militance et d'engagement au cinéma. Impossible, parce qu'une fois les luttes achevées (dans la victoire ou dans la répression), que faire des films qui entendaient témoigner pour elles ? Comment regarder avec l'oeil détaché du cinéphile le gros siècle (avec ses rendez-vous historiques, Front popu, luttes antifascistes, reconstructions, sale guerre, Mai 68, Vietnam...) d'un cinéma au discours tiraillé d'un côté par un souci quasi journalistique d'informer autrement (l'engagement) et, de l'autre, par un penchant coupable pour la prise d'empathie qui l'entraîne du côté de la propagande (la militance) ? Couple drôlement boiteux que cet aigle à deux têtes du cinéma militant, où l'on sent que chacun des deux termes souffre des ambitions de l'autre, l'indépendance de regard du premier ne rencontrant qu'épisodiquement, sinon accidentellement, la cause à servir de l'autre. Le militant est conforme à une visée, une ligne (celle du parti ou de la cause), là où le cinéaste idéalement n'est jamais conforme aux normes ­ ce qui ne l'empêche pas d'être dans l'engagement, la colère, l'opposition, la revendication.

Militant ou politique, nuance. Les tics du scénario militant sont trop bien connus : dialectique volontairement ramenée à son point de ma