Gilbert Rochu est mort le 28 mars des suites d'un cancer. De 1974 à 1981, ce grand type austère et mystérieux a incarné le service cinéma de Libération. Jean-François Kahn, un ami autant qu'un patron (après 1981, Rochu a travaillé à l'Evénement du jeudi, puis à Marianne, où il supervisa la production technique), confirme qu'il y avait en lui une grande part d'inconnu.
Synthèse. Originaire de Marseille, Gilbert Rochu avait rejoint Libération en 1973, via le Comité action prison, où il militait. Très vite, il se spécialise dans le cinéma sur fond d'une cinéphilie, notamment des films américains, très instruite. Il faut le relire à l'oeuvre et tenter de s'imaginer, par exemple, que pour le Festival de Cannes, il faisait tout tout seul, ce qui rétrospectivement laisse un brin rêveur. Cette solitude value aux lecteurs de Libération des synthèses brillantes. En 1978 par exemple, Rochu distingue très nettement Rêve de singe de Ferreri ou Hitler, un film d'Allemagne de Syberberg, et ne rate pas, au sens canardeur du terme, quelques parangons du cinéma chrétien de gauche (Olmi avec l'Arbre aux sabots) et quelques prestigieuses productions des pays de l'Est qui «font du Vadim pour le marché international». Un an plus tard, il ne lui échappe pas non plus que la télévision (déjà) est en train de prendre le pouvoir dans le cinéma d'un point de vue tant économique qu'esthétique (remarquable entretien à ce sujet avec Fellini, qui, bien que produit par la RAI pour Répétition d'orchestre, pes