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Libération
Interview

Mes dates clés, par Kiju Yoshida.

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publié le 2 avril 2003 à 22h33

1935. A 2 ans et 3 mois, je perds ma mère, emportée par une pneumonie. Les derniers temps, elle ne m'approchait plus de peur de me transmettre sa maladie et me regardait jouer à travers les portes coulissantes de la maison. C'est la nourrice qui m'a raconté : mon premier «souvenir» est passé par ce récit.

1939. Mon père se remarie. Ma deuxième mère est de Tokyo, alors que nous habitons dans la province de Fukuji, elle est moderne et m'emmène régulièrement au cinéma. Le premier film vu est un John Ford.

1941, 8 décembre. Le jour où le Japon est entré en guerre. A l'école, le directeur a réuni les élèves dans la cour pour nous parler. Tous les étrangers ont été exclus. Une vieille institutrice canadienne, que j'aimais beaucoup, a été renvoyée, déportée. Cela m'a blessé, comme une chose qu'on m'arrachait.

1942. Je vois mon premier film d'Ozu à 10 ans. Ce n'était pas de la propagande nationaliste, mais très serein. Dans une scène, un père et son fils pêchent au bord d'une rivière, sans dialogue, comme si le monde de l'adulte et celui de l'enfant fusionnaient. Je me rends compte que le cinéma peut porter un sentiment fort.

1945, 19 juillet. A minuit, un bombardement de cent vingt B29 américains sème la terreur à Fukuji. Ma famille s'éparpille et nous nous retrouvons un jour plus tard à la campagne. En rentrant dans la ville, on ne reconnaît plus rien, tout est détruit.

1951. J'entre à l'université de Tokyo, j'étudie la littérature française après avoir lu la Nausée et vu quelques film