Dans un texte d'une extrême cruauté, le Retour d'Eva Perón (1), dont les différents chapitres furent rédigés entre 1972 et 1977, V.S. Naipaul se livre à une description de l'Argentine dans les années agitées qui virent, en 1973, le retour du dictateur en exil, Juan Perón, sa mort, le bref intérim de sa troisième femme, Isabel, renversée par la junte militaire sous le commandement du général Videla, sur fond de crise économique délirante (800 % d'inflation). Il écrit par exemple : «Pour fonder une nation, il aurait fallu un mythe du labeur récompensé. Or ce territoire vierge, très plat et très riche, était inépuisable et d'une infinie mansuétude. Dios arregla de noche la macana que los Argentinos hacen de dia (Dieu arrange la nuit la pagaille que les Argentins sèment le jour).»
Buenos Aires, selon Naipaul, est une fausse ville, une simili-capitale copiée sur ses cousines européennes (Londres, Madrid, Paris...) mais entièrement d'importation, «une singerie coloniale», où «les gens ont souvent l'air de personnages d'emprunt», «ici on voit très peu de professionnels, c'est-à-dire de gens qui sachent où ils vont. Nul ne sait pourquoi il occupe tel poste plutôt que tel autre (...) Décrire cette société avec réalisme présente plus d'un obstacle ; quant à la transposer fidèlement dans la fiction, c'est sans doute impossible».
Intense et poisseux. Cette impossibilité a largement été remise en question ces dernières années par la jeune garde des cinéastes argentins. La plupart d'entre e