Alain Resnais était petit garçon et l'opérette battait son plein dans les théâtres parisiens. Les années 20, années folles, chantaient les airs de Henri Christiné (Phi-Phi), José Padilla (Pépète), Raoul Moretti (Troublez-moi), Edmond Filippucci (la Blanche Hermine), Henry Bereny (Chou-Chou), Reynaldo Hahn (Ciboulette), Maurice Yvain (Ta bouche). Alain Resnais a toujours vibré au souvenir de cette culture populaire, qu'elle soit d'opérette ou de bande dessinée, de boulevard ou de cinéma de quartier. L'un de ses plus anciens projets est une adaptation de Mandrake. Et Mélo pour le boulevard, ou On connaît la chanson pour le music-hall, sont les preuves de cette affection, au coeur d'une filmographie qui n'hésite pas à aller aussi vers le nouveau roman (Duras, Robbe-Grillet) ou les théories scientifiques les plus pointues (Mon oncle d'Amérique). Resnais est l'un des rares cinéastes français à avoir su jouer des deux cordes du cinéma, art populaire et art d'auteur.
A 82 ans, six années après On connaît la chanson, il se fait plaisir, tournant, depuis deux mois aux studios d'Arpajon, 30 kilomètres au sud de Paris, une opérette de Maurice Yvain, sur un livret d'André Barde, Pas sur la bouche. Au 29e jour de tournage, la moitié du film achevée, le grand plateau 4 servira encore jusqu'à fin mai. Jacques Saulnier, le décorateur de toujours, y a reconstitué les intérieurs d'époque, escaliers de bois et (faux) marbre, salle à manger, salon de conversation à divans, jardin à haies plus to