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Libération
Critique

«Royal Bonbon», Ubu bridé

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Plongée dans la folie d'un roi de pacotille à Haïti.
publié le 7 mai 2003 à 22h55

Le roi Chacha est de retour. Les enfants lui jettent des pierres et, tel l'idiot du village, il les leur ramène. Bientôt viendra le temps où ils lui pisseront dessus. Le roi Chacha est haïtien. Il fut le dieu de l'émancipation de l'île en 1804. Il est le début et la fin de l'imaginaire politique du pays.

Si, aujourd'hui, le roi Chacha revenait, s'il se trouvait quelqu'un d'assez illuminé pour se présenter aux Haïtiens en tant que Chacha, il lui faudrait, pour avoir ses entrées, se coiffer d'une couronne d'osier, se vêtir de haillons, traverser le marché en fer du Cap avec des décos de pacotille à ses man- ches. Il serait l'enfant d'Ubu roi, de Pausole, des rois bouffons. Il prendrait, comme il se doit, possession d'un palais en ruines et rassemblerait une cour, laquelle serait composée d'un exclusif parterre d'édentés magnifiques : le vicomte Marmelade, la duchesse Chapeau pointu. Turlututu.

Pouvoir bananier. Royal Bonbon est le film de ce retour imaginaire. Come-back fracassé que Charles Najman a imaginé sans afféteries : la lumière doit être celle du pays, elle doit être documentée. Pas une once de filtre pour enjoliver le soleil haïtien, mais, au contraire, une photographie brumeuse qui conserve l'humidité des nuits chaudes du Cap haïtien...

Sous l'image documentaire, tout une patine baroque qui colle au pouvoir bananier. Sous Royal Bonbon, on sent Werner Herzog : celui des fictions avec Klaus Kinski (Aguirre), des documentaires sur Bokassa.

Pour autant, Najman n'est pas Herz