On aura sans doute été seul à passer la déferlante Matrix 2 (photo call, conf' de presse, tohu-bohu) dans le très paniquant dédale du Marché et l'encore plus confondante rotonde Riviera, entre Teknolust et un siège de toilettes censé s'abaisser automatiquement mais qui devait compter le Hal de 2001 dans son ascendance. Résultat des courses pas déplaisant : on préférera toujours le bricolage désuet mais inventif d'une Lynn Hershman au presse-citron tonitruant des frères Wachowski. Ou plutôt : regarder une Tilda Swinton se démultiplier et se philippe-decoufler de façon bidonnante en costumes et perruques improbables plutôt qu'entériner le passage cannois des humains problématiques que sont Keanu Reeves et consorts du moins vus par écrans ou nuques interposés. Et les slogans de poupée gonflable inventés par la Swinton, genre «Emote with your remote» («lâche-toi avec la zappette»), semblaient bizarrement pertinents pendant tout ce débarquement Time-Warner.
Mais Cannes abrite bien d'autres univers parallèles. Hier matin, Manuel Chiche commençait sa journée de rendez-vous. Il y a six ou huit ans, quand il travaillait aux acquisitions et coproductions de Studio Canal, cet homme de 38 ans au physique ensoleillé (genre Jeff Chandler en plus ténébreux) avait des suites au Martinez et volait première classe. Cette année, arrivé en train la veille, il partagera avec les cinq autres membres de son équipe un appartement juste derrière l'hôtel Noga. Le prix de l'indépendance, qui n'a pas