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Libération

L'ouvrir ou la fermer

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publié le 16 mai 2003 à 23h01

Le démenti est unanime : quoi qu'en dise le programme officiel, le seul vrai film d'ouverture du 56e Festival de Cannes aura été Matrix Reloaded. Une énorme et spectaculaire machine hollywoodienne qui file la propre métaphore de la domination impériale et unilatérale des simulacres de l'image ; une éblouissante démonstration de force du devenir numérique qui attend non seulement le cinéma commercial, mais aussi nos propres sens mystifiés ; un objet aussi séduisant qu'ambigu, dont s'est emparée toute une génération qui en a fait, souvent confusément, une référence ultime, où seraient contenues et portées à leur point de fusion toutes les références précédentes... On ne comprend vraiment pas ce qui a pu conduire à faire passer ce Matrix après Fanfan la Tulipe sur le podium du «hors compétition».

Cela dit, il ne sera pas non plus évident pour les autres films de passer après la canonnade des Wachowski. Matrix Reloaded n'est pas qu'une violente secousse sismique et ponctuelle : comme un tremblement de terre, le film produit aussi des répliques dans le temps, infligeant à ses spectateurs quelque chose de l'ordre du trauma rétinien durable, de la luxation de pupille prolongée. On se déclarerait presque critiquement forfait pour 48 heures, poches à glaçons sur les paupières, s'interrogeant pour savoir s'il n'aurait pas mieux valu repousser l'explosif objet à la soirée de clôture, et imaginer l'effet de ce vitriol visuel après dix jours de projections. Alors, l'ouvrir ou la fermer ?