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Libération
Critique

Pekar le tocard sort de sa bulle

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publié le 16 mai 2003 à 23h01

Connaissez-vous Harvey Pekar ? Harvey Pekar lui, en revanche, nous connaît par coeur. Il lui arrive même de nous ressembler : même appartement en bordel, même collectionnite aiguë de livres, de disques incunables, de comics dégénérés, mêmes névroses à répétition, semblable inutilité en tout : la vie du côté des hypocondriaques, le monde vu par les nerds, l'univers par ceux qui les défont. Les bras-cassés, les «deux-mains-gauche», les journalistes. L'avenir appartient-il aux inadaptés ?

Ange et mentor. Harvey en a un temps douté. Il a végété des années comme documentaliste dans un hôpital de Cleveland, Ohio. Où personne, mis à part un semi-débile, ne prenait au sérieux sa passion pour les 78-tours de blues. Jusqu'au jour où Pekar a rencontré Robert Crumb dans une foire aux vinyles. Les deux collectionneurs compulsifs se sont un temps toisés autour de la pochette d'un vieux Slim Harpo, puis ont fini par devenir frères de sang. A peu de choses près, et selon une telle ressemblance, la foire aux disques aurait pu tourner à la foire d'empoigne.

Heureusement pour Harvey Pekar, Crumb fut son ange et son mentor, le premier à mettre réellement en dessins les aventures, ou plutôt les antiaventures, de son ami, ces comics bâtis sur son quotidien qu'il baptisera ironiquement American Splendor et qui feront de lui l'un des plus juteux poils à gratter de la génération Creem, Mad, Saturday Night Live. American Splendor (le film) décrit Crumb comme un dandy mondain, doté de toute l'élégance d