«Ça suffit, Harvey, tu parles trop.» En pleine interview, Joyce Bradner engueule gentiment mais fermement son mari, Harvey Pekar, qui ressasse depuis cinq minutes ses démêlés avec l'animateur télé David Letterman, et l'on se croirait dans une scène d'American Splendor (Libération de vendredi). Normal : le film est l'adaptation réussie de la bande dessinée culte dans laquelle Pekar, documentaliste dans un hôpital de Cleveland, raconte depuis vingt-sept ans sa vie quotidienne d'Américain moyen quoiqu'un peu plus libertaire que la moyenne.
Avec sa routine et ses humeurs (souvent mauvaises), ses méditations plus ou moins métaphysiques (de l'identité aux... jellybeans), ses petits tracas (faire la queue au supermarché derrière une mamie juive) et ses grands malheurs (le cancer). Où l'accession à la célébrité grâce à une BD, puis la préparation d'un film tiré de cette aventure deviennent à leur tour le sujet de cette BD. «J'ai été très excité de me voir dessiné dans un numéro annuel d'American Splendor», avoue Robert Pulcini, coréalisateur du film avec son épouse, Shari Springer Berman.
Antiréaliste. Le couple new-yorkais, qui a fait ses débuts dans le documentaire, n'en est pas à sa première expérience de confusion entre réalité et fiction : dans The Young and the Dead (2000), il s'est intéressé à un croque-mort qui ambitionne de moderniser le business des pompes funèbres avec des techniques marketing importées de l'industrie cinématographique. Et il prévoit de réaliser un film s