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Libération
Critique

Desplechin, le plein de doutes

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publié le 17 mai 2003 à 23h02

Il faudra sans doute du temps pour avoir à propos d'En jouant «Dans la compagnie des hommes» une idée arrêtée. Le temps pour le film de s'évaluer, de trouver de sa place à l'intérieur de la filmographie de l'ex-chef de file incontesté du jeune cinéma français ; le temps pour Arnaud Desplechin de maturer en acquis esthétiques ses coups de sang un rien incontrôlés ; et pour nous de dissiper la myriade de doutes qui n'a cessé de brouiller la perception du film.

Obsessions. On saura alors si la colère que le film porte en lui contre une façon de faire (laquelle fut celle de Desplechin : néoclassique, linéaire et maîtrisée) était le brouillon d'une révolution intime féconde, ou si elle n'était que la marque éphémère d'un moment de grand doute faisant suite à l'échec public d'Esther Khan. La perche est tendue avec tant de bienveillance que l'on se retient avant d'avoir à s'en saisir, mais force est de constater que cet opus cyclothymique, sinon schizo, ne demande, à première vue, qu'une chose à son spectateur : attester de comment Desplechin s'est disputé (sa vie cinéaste).

Comme toujours chez Desplechin, la crise est d'abord théorique : irruptif dans sa forme, le film parie sur le crade à l'image (mélange de film et de vidéo moche), les nerfs au son (une BO des Jam), alors qu'à l'écran s'accouplent l'adaptation filmée d'une pièce d'Edward Bond, la captation de ses répétitions, quelques explications de texte sur l'apport de figures shakespeariennes, un discours latent sur la série B