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Libération
Portrait

Vivant parmi les survivants

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Cannes 2003. Les portraits / Rithy Panh - Réalisateur de «S21, la machine de mort khmère rouge».
publié le 17 mai 2003 à 23h02

«Je crois que les âmes des morts n’ont pas voulu que cela se passe si simplement.» Là, devant une bière bien fraîche, le visage rond de Rithy Panh s’anime de malice et de gravité pour raconter son douzième film. Comment il a tourné pendant trois ans autour du S21, l’ancien centre de détention de Phnom Penh, sans savoir vraiment quel film allait en sortir. Comment il a approché les victimes, et enfin les ex-geôliers khmers rouges de ce qui est devenu le musée du génocide cambodgien... «Et puis le film est né du hasard. L’un d’eux m’a dit qu’il ne faisait pas de cauchemar et ça a été un déclic pour moi. Je me suis demandé pourquoi c’était à nous de faire ce travail de mémoire et pas à eux...» C’est ainsi que la Machine de mort khmère rouge a émergé de 300 heures de rushes, de trois ans de tournage, de quinze années d’un cinéma de la réparation, pour être présenté à Cannes dans la Sélection officielle en séance spéciale.

Quête de l'homme. Rithy Panh, 39 ans, n'est pas un survivant, c'est un vivant, un bon vivant. Qui se soucie autant des âmes errantes qui n'ont pas trouvé la paix que des générations à venir. Ses parents sont morts dans les années 70, avec les deux millions de Cambodgiens victimes des Khmers rouges. Depuis son arrivée en France, en 1980, après avoir échappé aux camps de travail puis aux camps de réfugiés en Thaïlande, il poursuit par son cinéma ce qu'on appelle un travail de mémoire, de deuil, et qui est surtout une quête de l'homme dans ce paysage miné de victim