De sa jeunesse il refuse obstinément de parler. A peine admet-il être né à «La Nouvelle-York», mégapole emblématique d'une nation qu'il a rebaptisée «Barbarie». «J'ai commencé à exister ici, insiste-t-il, je suis français depuis mon arrivée à Paris, en 1969. J'avais comme intention première d'apprendre la langue. Au bout de six mois, j'ai compris que j'allais rester.»
Vocation. On ne saura donc pas ce qu'était la vie d'Eugène Green aux Etats-Unis. Ni quel traumatisme a poussé ce personnage attachant, qu'on croirait tout droit sorti des Mothers of Invention de Frank Zappa, à rejeter à ce point son pays. Tout juste apprendra-t-on qu'à 13 ans il a découvert le cinéma via Fellini : «Enfant, j'avais vu quelques productions barbares, des Disney par exemple, mais mon premier vrai film a été la Dolce Vita.» Et qu'à 16, en visionnant le Désert rouge d'Antonioni, il a senti naître sa vocation : «C'était une sorte d'épiphanie. Il est devenu évident pour moi que je devais faire du cinéma.»
C'est néanmoins à la musique baroque et au théâtre qu'il va d'abord consacrer son énergie. Rencontrant d'emblée certaines réticences à une époque où tout semblait pourtant permis : «Sauf pour moi, à qui beaucoup de choses ne l'étaient pas.» Le Théâtre de la Sapience («savoir qui mène à la sagesse»), qu'il crée dans les années 70, dérange en effet un univers théâtral quasi étatisé. «Dans l'espèce de religion d'Etat qu'était devenu le théâtre, se souvient-il, faire du théâtre privé devenait presque un péc