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Libération
Critique

Divin Bonello

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publié le 20 mai 2003 à 23h04

Tiresia est un film coupé en deux, immédiatement recousu et cicatrisé, un film de suture, à la jonction de plusieurs zones, érogènes ou sublimées. Le mythe grec de Tirésias raconte une aventure de la métamorphose sexuelle, un homme devenu femme redevenue homme, doté par Zeus de dons oraculaires après qu'Hera l'a frappé de cécité. Le troisième long métrage de Bertrand Bonello (après Quelque chose d'organique et le Pornographe) en réécrit la légende aujourd'hui. Ce cinéaste de 35 ans ne recule pas devant la difficulté. Non seulement il empoigne des sujets sophistiqués, abordés sous les formes les plus elliptiques possibles, mais il le fait d'une manière qui rappelle les plus grands de ce registre d'un cinéma du sacré : de Dreyer (Ordet) à Bresson (Mouchette) en passant par Pasolini (Théorème, Médée), le Pialat de Sous le soleil de Satan ou le Cavalier de Thérèse.

Résonance. Tiresia est ici un beau travesti brésilien du bois de Boulogne qu'un client, Terranova (envoûtant Laurent Lucas), enlève et séquestre dans le sous-sol d'un pavillon de banlieue. Amoureux chaste de ce corps d'une femme portant pénis, s'identifiant comme un «monstre, une pute», il l'observe, impuissant, redevenir, faute d'hormones, un homme sur le visage duquel repousse un noir duvet. Quand il se jette sur Tiresia, c'est pour lui crever oedipiennement les yeux. Recueilli (e) par une adolescente muette, la créature bascule, et nous avec elle, dans l'autre dimension du film, second tableau du retable. Tiresia, s