Personne ne s'étonnera d'apprendre que Denys Arcand n'est pas un cinéaste de la trempe d'un Gus Van Sant. Du seul point de vue formel, les Invasions barbares sont un objet platement photographié, découpé à l'ancienne selon les lois élimées d'un champ/contre-champ mécanique, et à la direction d'acteurs appuyée. Du très strict point de vue de la proposition de cinéma, il n'y a ici pas grand-chose à attendre.
Vieille école. Il y aurait, en revanche, quelques maux à entendre, quand, à travers la logorrhée verbale qui inonde ces Invasions barbares, se répand un état critique généralisé. Si les quelques grands et petits modernes croisés depuis le début du festival montrent surtout l'expression éperdue de leur désarroi face au monde, Arcand, toujours très vieille école, est encore de ceux qui estiment que la mission d'un cinéaste est de monter les morceaux du monde dans un bout à bout signifiant qui en serait non la restitution mais la traduction. Cette volonté est à la fois son charme (il va au charbon) et sa limite (l'utopie de tout expliquer). Elle habille entièrement son personnage, un prof de fac de 50 ans, cancéreux, se définissant comme un «socialiste concupiscent» réunissant, dans la chambre d'hôpital de luxe que lui offre son fils affairiste, ses amis, ses maîtresses, et le compte de ses idéaux lessivés.
Ce n'est pas par hasard si Arcand retrouve, après des années d'aphasie, l'envie de dire des choses. Celui qui s'est fait connaître avec le Déclin de l'empire américain (1986