Un jour sur le ferry-boat de Martha's Vineyard, l'île où les nantis de Washington vont en villégiature, un homme a tenté de faire passer Robert McNamara par-dessus bord. C'était dans les années 80, McNamara était président de la Banque mondiale et s'était d'abord fait un nom comme l'homme qui avait remis les usines Ford à flot mais, pour tout le monde, il restera à jamais le ministre de la Défense de Kennedy et de Johnson, le matheux de la mort. Ce soir-là, McNamara a refusé de porter plainte contre son agresseur. De quoi encore épaissir le mystère qui a toujours entouré cette tête à chiffres, dont les cheveux plaqués, la raie au milieu et les lunettes sans monture avaient orné les couvertures de Time. Il ne s'appelle pas Robert Strange McNamara pour rien à l'état civil.
Cette anecdote ne se trouve pas dans le documentaire d'Errol Morris, The Fog of War mais dans la bio non autorisée de Paul Hendrickson, The Living and the Dead : pour avoir accès au bonhomme (84 ans) et aux photos de famille (Mac en tablier tenant une casserole), Morris doit suivre le rail du personnage, les leçons qu'il veut bien donner. Ordonnées en chapitres, ces leçons ont l'air comme ça provocantes mais ne font que renforcer le béton dont l'homme s'est toujours entouré. Leçon n° 7 : ne jamais répondre aux questions qu'on vous pose, mais à celles que vous souhaiteriez vous voir poser. Qui se résume en fait au tas de conneries meurtrières technocrates qui ont permis 25 000 morts américains au Vietnam qua