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Libération
Critique

L'éclat des «Yeux secs»

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publié le 24 mai 2003 à 23h07

Du cinéma marocain, à Cannes, on n'en voit jamais. Du cinéma féminin marocain, encore moins. Aussi, la seule présentation en Quinzaine des Yeux secs, premier film de la cinéaste marocaine Narjiss Nejjar, constitue déjà un événement en soi. Cependant, ce film-là ne nous fait pas la charité : s'il est ici, c'est d'abord parce qu'il y trouve toute sa place. Place que, dans nos mémoires, il ne lâchera pas de sitôt : l'histoire des Yeux secs développe un romanesque inoubliable.

Réprouvées. C'est l'histoire d'un village de putains, perdu dans les montagnes berbères. Les hommes n'y viennent que pour s'y soulager, sexuellement et pécuniairement. Après trente ans de prison dans la grande ville, la vieille Mina y retourne, accompagnée d'un homme ami qu'elle présente comme son fils. C'est le regard de cet homme qui nous fera découvrir ce magnifique village de réprouvées dans les moindres détails de sa malédiction et c'est particulièrement sur les traits de la belle et dure Hala, chef altière des putains, que le regard de cet homme va s'attarder, avant de s'égarer.

Car ce harem de prostituées moqueuses, aux yeux secs de tout désir, il n'y touchera pas. S'identifiant peu à peu corps et âme au gynécée, il va finir par en porter en lui la folie solitaire, portant aussi la mélancolie de chacune de ces femmes, leur douleur... et même une de leurs robes. Maquillé, travesti, il filera vers les cimes alentour avant de se rouler nu dans la neige.

Précision poétique. Cette séquence, qui n'est pas la