Critique essentiel (aux Cahiers du cinéma, désormais à Trafic), cinéaste rare, Jean-Claude Biette est encore et surtout une «sorcière lacanienne». Cette expression inventée par Eugène Green, autre très grand manitou d'un cinéma pauvre, trouve des échos infinis tout au long de Saltimbank, le nouveau Biette, film particulièrement porté sur la truculence des jeux de mots signifiants. Le titre, déjà, annonce plus que la couleur : les Saltim sont deux frères. Le cadet (Jean-Marc Barr) est un banquier (la banque Saltim), l'aîné (Jean-Christophe Bouvet) un saltimbanque qui a troqué la majorité de ses pouvoirs à la maison mère contre le financement de son théâtre par la Saltimbank. Mais, aujourd'hui, le cadet ne veut plus payer pour l'aîné : l'argent de la «bank» devient ce qui manque au théâtre Saltim, quand le manque d'argent est précisément depuis longtemps l'un des moteurs essentiels du petit théâtre biettien.
Alter ego renversé. C'est, parmi les multiples aspects enthousiasmants du film, un éternel élément de surprise : Biette peut s'entourer de noms fameux, celui de Jeanne Balibar (avec qui il avait déjà tourné son précédent Trois ponts sur une rivière) ou celui de Jean-Marc Barr (qui montait les marches cannoises avec Nicole Kidman et Lars von Trier trois jours avant), il les intégrera systématiquement à sa troupe.
Il existe une famille Biette, depuis au moins 1977 date de son premier film, le Théâtre des matières , où l'on croise le bougon Noël Simsolo, la mutine Yse Tran,