Il n'y a pas eu plus beau commencement de film de tout le festival. On n'en a pas non plus connu d'aussi étrange : dans une ruelle japonaise, verdoyante, calme et baignée de soleil, deux enfants jouent à une sorte de marelle. La caméra portée qui les filme tourne autour d'eux, ondoie, les encercle, les relâche. Les deux gosses semblent ivres d'été et de vacances. Ce sont deux frères, ils n'ont pas 12 ans. Ensemble, ils s'engouffrent dans une autre ruelle, la caméra les suit avant de s'attarder ailleurs, de s'attacher à la flore du lieu, en route pour une journée entière dans les arbres, les yeux pendus à leurs branches.
Plénitude. La caméra, agissant comme si elle avait repris un quelconque flambeau subjectif, nous laisse deviner sa présence aux basques des enfants, avançant eux aussi, derrière elle, avec un même flottement de bonheur, s'amusant sûrement à se poursuivre, se livrant à des parties de cache-cache. Tout ne peut que bien se passer, un après-midi d'été à Nara, ancienne capitale du Japon, dans le noeud d'impasses, d'allées et de clairières du centre historique, maintenu à l'écart du temps.
Quand la caméra de Naomi Kawase revient sur les jumeaux, il n'en reste qu'un. Kei, le frère de Shu, n'est plus là. Il a glissé dans le hors champ du film. Il ne reviendra jamais. On ne le retrouvera pas. Le temps vient de poser un piège à l'espace. Un enfant a disparu, s'est glissé dans une faille. Il y avait une caméra pour le suivre à la trace, mais cette trace s'est perdue. Le f