Ceux qui l'aiment ont pris sans le vouloir le même train que lui : Gus Van Sant, une palme d'or au fond de sa valise et ses amis sous le bras, empruntait lundi à Cannes le TGV de 12 h 09, direction Paris. C'était une curieuse et néanmoins très forte image du glamour contemporain, une scène absolument conforme à ce début de siècle. Autrefois, le cliché rituel de l'arrivée et du départ de Cannes consistait à saisir Marilyn Monroe (ou Sharon Stone, ou Madonna) sur le tarmac de l'aéroport de Nice, tombant du ciel des divinités. Il y avait là tout ce qui permet d'attiser la mythologie : des hordes de paparazzi, des bouquets de fleurs, des limousines officielles, des douaniers obligeants, parfois même un hélico pour faire la jonction avec la Croisette. Aujourd'hui, les vraies idoles de la cinéphilie sont d'abord les cinéastes, dont les visages restent inconnus pour la majorité du public.
Voir Van Sant et sa bande, anonymes dans le flot des voyageurs SNCF, faire la queue comme tout le monde au wagon-bar, avait donc quelque chose d'à la fois rassurant, naturel et très extraordinaire. Même s'il trouve son origine dans de banales considérations matérielles (les avions étaient peut-être pleins, le cinéaste souffre peut-être des tympans ou peut-être souhaitait-il tout bonnement s'offrir le spectacle d'un long travelling latéral sur la France), ce simple fait avait aussi valeur de symbole, au terme d'un festival qui n'a cessé de nous signifier, lui aussi, que les temps ont décidément chan