A 62 ans, Raoul Ruiz a tourné plusieurs dizaines de films, de tous les métrages, de tous les genres, dans presque tous les pays. Le dernier en date, Ce jour-là, présenté au festival de Cannes (Libération du 15 mai), sort aujourd'hui. C'est l'un des tous meilleurs, farce macabre cuite à point, chronique de Suisse à la causticité sèche, injection à haute dose de faux-semblants et de vrais acteurs (Giraudeau, Zylberstein, Piccoli...).
1er janvier 1947. J'ai un début de tuberculose, à 5 ans et demi. Ma famille s'installe au vert, à Quilpué, 10 000 habitants, dans la région de Valparaiso. Quand je prenais le train pour aller au collège, c'était tranquille, même si j'avais des visions cycliques d'accidents, de gens découpés en morceaux. C'est le début de ma cinéphilie : comme je n'avais école que le matin, l'après-midi on allait au cinéma, quatre à cinq fois par semaine. C'était un village plein d'exilés, Juifs, Allemands, Italiens. C'est pour moi le commencement de beaucoup de choses.
Mars 1957. Ma famille retourne à Santiago. Un choc : 700 000 habitants à l'époque. Il y avait des intellectuels, mais je ne connaissais pas encore ce nom. C'est le début de mes lectures : Camus, Kafka, Joyce.
1960. Je dirige le ciné-club universitaire à Santiago. Je passe Orson Welles, les Quatre Cents Coups, A bout de souffle. La querelle entre néoréalistes et hitchcockiens bat son plein au ciné-club. Moi, je suis néoréaliste. J'invente une expression