Au cours des quatre dernières années de sa vie (John Cassavetes meurt en février 1989), le cinéaste se confie longuement à Ray Carney, professeur de cinéma à l'université de Boston, directeur de la collection de livres Cambridge Film Classics. De ces dizaines d'heures d'entretien sortira un livre, Cassavetes on Cassavetes, publié chez Faber & Faber et inédit en français (1), dont nous publions ici le passage qui concerne la préparation et le tournage de Love Streams.
Vous jouez dans «Love Streams» alors que ce n'était pas prévu...
Quelques semaines avant le début du tournage, Jon Voight qui, comme Gena Rowlands, devait reprendre son rôle du théâtre à l'écran, m'a annoncé vouloir réaliser lui-même le film. J'ai alors été obligé de l'évincer et je me suis retrouvé contraint d'incarner le personnage de Robert Harmon. J'ai repris ce rôle, mais à contrecoeur. Ça a été très délicat. J'en ai voulu à Jon de nous avoir abandonnés. Du coup, il y a eu de nombreux changements. Je n'ai ni la personnalité de Jon, ni son tempérament. Et je ne parle même pas de la ressemblance physique qui existe entre lui et Gena. Ils sont blonds tous les deux ; et ils donnent vraiment l'impression d'avoir un air de famille. Parce que Jon et moi n'avons rien en commun, j'ai dû tout changer. Primo, je n'ai rien d'un séducteur j'étais donc paumé. Incarner un séducteur, c'était taillé sur mesure pour Voight, mais moi, j'ai tout sauf le physique de James Bond, alors que le personnage de Robert Harmon vit entou