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Libération

«Il prenait le temps d'élucider»

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par André TECHINE
publié le 25 juin 2003 à 23h32

En 1996, dans une chronique dans Libération au moment du Festival de Cannes, Jean-Claude Biette avait inventé un concept : «le film Brigitte». Un film où le point de vue dominant est celui d'une femme. Parmi les cinéastes «Brigitte», il cita alors Jacques Demy, le Dreyer de Gertrud et... moi. En hommage à Biette, je voudrais revenir sur cette notion de brigittude et évoquer, pour lui, mon amitié admirative.

Brigitte. Le concept Brigitte est typique de la pensée Biette quand la vérité du rire en devient le moteur jusqu'au fou rire. Et puis, mine de rien, ça trace son chemin. Cette année, en voyant deux films, The Hours de Stephen Daldry et Loin du paradis de Todd Haynes, j'ai pensé à la notion de brigittitude que j'avais oubliée et qui s'est imposée. Sans jugement de valeur artistique, c'était corps et âme, deux films Brigitte. Le concept amusant devenait opérant, pertinent. Les codes de l'industrie n'empêchent pas les films Brigitte d'exister.

Carte verte. J'ai rencontré Biette en 1964. Je venais d'entrer aux Cahiers, Jacques Bontemps aussi. La troisième recrue était Jean-Claude. Il avait écrit un papier sur Jean Aurel. Nous étions pigistes et rêvions de posséder la carte verte, ce sésame qui permet aux critiques d'aller au cinéma gratuitement. Jean-Claude était angoissé par la perspective de l'armée. Quand il a obtenu sa carte verte, il a quitté la France pour éviter le service militaire. Je connaissais sa destination, mais il voulait qu'elle reste secrète. Le suspense n'a pa