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Libération

La vie était Biette

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publié le 25 juin 2003 à 23h32

C'est faire honneur à Jean-Claude Biette et à son art consommé du calembour que de le nommer comme on l'appelait entre amis : la Biette humaine. Quasi-similitude de son, légère différence de sens. Ce qui convient pour cet homme discret qui, lors d'un entretien à France Culture (rediffusé le 11 juin, au lendemain de sa mort), disait qu'il aimait le silence et, partant, écouter la radio «parce qu'on n'est pas obligé de regarder le poste pour comprendre, on peut rêvasser».

Pour exprimer la singularité de Biette et s'expliquer la très forte émotion qu'a suscitée sa disparition brutale à 61 ans, quelques-unes de ses manières d'être ont valeur d'aphorismes de sa pensée. Prenons l'autobus, et surtout la ligne 96 qui passait près de chez lui (Paris XIe). En vieux Parisien, il était un usager assidu du bus. Biette disait y guetter les mots, les attitudes, les vibrations du temps. Beaucoup de répliques de ses films provenaient de ces notes sur le vif. Le bus et pas le métro où il étouffait facilement : il en racontera une scène d'angoisse dans son dernier livre, Cinémanuel, magnifique journal de bord d'un cinéphile et de ses désarrois.

Air libre. Ce goût pour les transports de surface nous confirme que Biette n'était, à aucun égard, un cinéaste underground. Ses films furent toujours de plein jour et d'air libre, jusqu'au manifeste : Loin de Manhattan, premier long métrage, ne comporte aucune scène d'intérieur. Quant au plaisir de la déambulation, tous ses films jusqu'à Saltimbank (sorti