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Libération

Chahine, il était une fois son Amérique

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L'Egyptien tourne «la Rage au coeur», empreint de son amour puis de son dépit pour les Etats-Unis.
publié le 9 juillet 2003 à 23h46

Le Caire de notre correspondante

Il est assis près du combo, assoupi au milieu des câbles enchevêtrés. Dans la sciure et la poussière se bousculent les techniciens, passe le porteur de thé, courent les machinistes. Enfouies dans leurs jupes de pionnières du Far-West, des figurantes russes à la blondeur peroxydée attendent en fumant, assises sur leurs roulottes en papier mâché. Entre les débris de cartons froissés et les dizaines de mouches du coche qui tiennent salon près de deux projecteurs, le désordre est indescriptible. Chahine s'en moque, il dort. Ou presque. Et puis d'un coup, le vieux lion égyptien s'ébroue. Un coin de sa bouche se relève dans un sourire attendri qui va grandissant. Devant lui, Ahmed Yehia et Yousra el-Lozy, à peine quarante ans à eux deux, les vedettes de la Rage au coeur, son nouveau film, esquissent un pas de danse. «Quand je les regarde, je me vois, je revis mes 17 ans, c'est superbe.»

«Une déclaration de rupture». Il rit tout seul, Youssef Chahine, mais ses yeux se mouillent aussi parfois, furtivement. «Ce film est autobiographique, il sort des tripes, il me fait souffrir, même s'il est plein de tendresse. J'y raconte ce dont je n'ai pas parlé dans la Trilogie (Alexandrie pourquoi ? suivi de la Mémoire et d'Alexandrie encore et toujours, ndlr), mes études aux Etats-Unis, mon premier amour, mon rêve américain.»

Sur un demi-siècle, le film narre les relations tumultueuses entre l'enfant chéri du cinéma arabe et le Nouveau Monde. Il s'achève sur l'atte