A 30 ans, Dagur Kari, barbu et rond, jovial et détendu, a réalisé un premier film profondément mélancolique sur un héros qui semble loin de lui : grande bringue totalement imberbe et constamment angoissée. Rencontre avec un jeune cinéaste islandais qui, l'air de rien, propose l'une des oeuvres les plus marquantes de l'année.
Quelle est l'Islande qui vous intéresse ?
Je ne cherche pas à faire un portrait réaliste de l'Islande. Ce qui m'intéresse, c'est de créer une nouvelle réalité, une Islande imaginaire. Mon premier court-métrage recréait mon Islande à l'intérieur d'une chambre d'hôtel. Ce n'est pas l'Islande des guides touristiques, sa couleur, sa matière, le grain de son image sont ici très particuliers et obéissent surtout à des logiques de rythmes, de coloris, de sensations.
Vous avez choisi de tourner dans une petite ville isolée...
Le film se déroule à Bolungarvik, 957 habitants, entre un fjord reculé, la mer et le glacier, à l'ouest de l'île. En hiver, le fjord est coupé du monde, cerné de montagnes, comme une prison blanche. C'est plus facile de recréer une réalité à partir de rien, au centre de nulle part. Le premier projet voulait montrer Reykjavik, la capitale, mais toute l'animation qui y règne les taxis, les clubs, les gens bridait mon imagination. Reykjavik impose sa propre réalité, qui n'est pas la mienne. Bolungarvik, c'est une toile blanche, presque abstraite, de même que le personnage de Noi est albinos, c'est-à-dire un innocent.
Noi, votre héros, n'est jam