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Libération
UN ETE 2003. Ciné Villes

«Cette ville, c'est la maman et la putain» . Nadir Moknèche à Alger.

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Nadir Moknèche a retrouvé sa ville natale pour la filmer. Aujourd'hui, il la dépeint unie, malgré les tiraillements entre son passé colonial et l'islam.
par Nadir MOKNECHE
publié le 1er août 2003 à 0h29

Ce soir de janvier, nous venions de terminer une scène sous le tunnel des Facultés et je revoyais les images sur un écran de contrôle, à l'endroit même où nous avions filmé. Le lieu est particulier, un arrondi de pierres années 50, en plein centre d'Alger. Un passant s'arrête, se penche par-dessus mon épaule. Il dit : «Comme c'est beau. Où ça se passe ? A Paris, non ?» C'était là, devant ses yeux, mais il ne faisait pas le lien, comme quelqu'un qui ne se reconnaîtrait pas dans la glace. Alger est une ville pratiquement sans représentation d'elle-même, toujours en déficit d'images contemporaines. L'autoportrait de référence reste colonial ou folklorique.

Il a fallu que j'ouvre un Guide bleu, dans une bibliothèque parisienne, pour éprouver ce choc de la voir dessinée en entier, pouvoir regarder comment elle était faite. Pour la première fois de ma vie, je voyais un plan d'Alger, chose inexistante sur place à l'époque de la paranoïa soviétique du régime. Aujourd'hui encore, il n'existe qu'un seul endroit où l'on puisse acheter un plan. Je l'ai affiché partout, énorme. Après avoir voyagé, en repartant, en revenant, cela m'a sauté au visage alors que je n'y avais jamais pensé avant : la ville est belle, son site est beau, les gens sont beaux. Ils n'en reviennent pas d'être aussi beaux, d'avoir les yeux si noirs ou si bleus, la peau si blanche ou si brune.

Ville sans image. Eux non plus ne se voient pas. Ils sont comme leur ville : on ne peut parler de l'une sans le