«Une ville, pour moi, n'appartient à personne, encore moins un pays. A la rigueur, je comprends qu'on puisse avoir une rue ou une ligne de bus. J'ai parfois l'impression que c'est cela qui m'appartient dans une ville. Quelle ville raconter ? C'est difficile pour quelqu'un qui n'a pas de ville.
Cela a commencé il y a très longtemps, dès l'enfance. Le fait d'avoir grandi à Bamako (Mali) tout en étant né ailleurs (Kiffa, en Mauritanie). J'ai vécu au Mali avec la Mauritanie toujours à l'esprit. Bamako était alors ma ville d'adolescence, que je connaissais par coeur, tandis que Nouakchott peu. Ce fut plutôt une ville de transit où j'allais voir ma mère, où j'ai attendu de pouvoir partir pour Moscou et son école de cinéma (le VGIK). Une fois parti, j'ai appris le russe à Rostov sur le Don, puis à Voronej, avant de gagner Moscou. C'était à l'époque soviétique, où tout était régi de façon programmée : un objectif fixé, une date d'arrivée, une de sortie, puis le départ. Là-bas, dans ce premier grand voyage, on vivait en communauté, entre nous, entre étrangers. Je ne me suis pas approprié Moscou, cela n'a pas été ma ville. Quand je suis arrivé à Paris en 1993, j'ai habité dans différents quartiers. Le XVe, le VIIe, puis maintenant, depuis cinq ans, rue Oberkampf où j'ai mon bureau, et j'habite en face au fond d'une petite ruelle pavée, mangée par les herbes et les arbres. Un acacia géant, rare arbre du désert, s'y dresse. Pourtant, Paris non plus n'est pas ma ville. La seule ville dans