Ils étaient quatre, comme toujours. Aux côtés du vieux Walsh encore solide, d'un Hawks de plus en plus serein, d'un Dwan sans âge, Ford jouait les d'Artagnan muets. Comme ils n'étaient pas payés pour parler, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. On était en 1963 et je croyais que le cinéma avait de beaux jours devant lui. Cet été-là, au 8425 Hollywood Boulevard, dans une villa qui avait abrité les amours d'un mousquetaire d'un autre bord, l'espion allemand Errol Flynn, je parlais cinéma avec le «concierge» des lieux, un aventurier du nom d'Axel Madsen, qui avait sa combine pour ne pas payer de loyer , acheter les feuilles de papier au kilo et se nourrir de viande de cheval (un Américain se ferait tuer plutôt que de manger du cheval). Pour infiltrer les projections privées, Madsen avait son idée. Surtout ne pas se présenter comme envoyé spécial de Visages du cinéma (la revue dont j'étais le patron et dont le troisième numéro ne paraîtrait jamais), ou même des Cahiers du cinéma. Dire d'un ton sec et péremptoire qu'on collaborait au «french Sight and Sound», du nom de la prestigieuse revue britannique. Ne pas oublier qu'on est au début des années 60, avant la révolution auteuriste, ce coup d'Etat exporté aux quatre coins du monde par les Cahiers, et que les Américains méprisent encore le cinéma, le leur comme celui des autres.
Rendre visite à Dwan, Lang ou Minnelli, c'était un rêve de gosse. La jungle du cinéma n'était pas encore défrichée, et j'avançais les yeu