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Libération
Critique

Au plus Ford du western

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Dans «les Cheyennes», qui ressort aujourd'hui, le vieux John Ford, désenchanté, se laisse émouvoir par les Indiens.
publié le 27 août 2003 à 0h43

Cheyenne Autumn, selon son titre original, magnifique, est l'un des plus beaux westerns de John Ford, une ample méditation erratique où les couleurs s'étalent sur les ocres et les neiges pour dire l'humiliation des Indiens. Pourtant, ce film conserve depuis quarante ans une mauvaise réputation. Sa lenteur majestueuse lui vaut parfois le qualificatif d'«académique» chez les cinéphiles fordiens, anathème auquel s'ajoutent les reproches d'un grand public qui, dès sa sortie, a boudé ce projet quasi philosophique, regrettant les «westerns du bon vieux temps». Les gens ont sifflé, même à gauche, car ce n'est pas non plus un «western de gauche» d'Américain culpabilisé par le martyre des Indiens. Ford n'a jamais été de gauche ; il est, tout simplement. Cheyenne Autumn représente davantage un changement de fusil d'épaule : une forme qui annonce l'«antiwestern», qu'on va voir fleurir quelques années plus tard avec Peckinpah, Aldrich, Leone, un western dont l'automne est déjà là, déjà en cours, déjà filmé, avant que ne s'y mettent les jeunots, traumatisés par l'histoire américaine, celle des Indiens comme celle du Vietnam.

Autodestruction. Cheyenne Autumn est, chez Ford, la manière de faire le pas qui, sans jamais le dire ouvertement, lui permet de rester contemporain, et plus encore : de voir avant les autres. Il a 69 ans, affaibli au fur et à mesure d'un tournage qui lui échappe, affecté par la dureté de l'histoire et du temps, froid, humide, neigeux. D'où l'intervention de Ray Kellog