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Libération
Interview

«Il me semblait crucial de ne pas faire un film d'époque»

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Bernardo Bertolucci revient sur «The Dreamers» :
publié le 2 septembre 2003 à 0h48

Après le Conformiste (1970) et le Dernier Tango à Paris (1972), Bernardo Bertolucci est revenu à Paris tourner The Dreamers. Présenté hors compétition à la Mostra de Venise, le film montre la rencontre sensuelle entre un frère, une soeur et leur ami américain, en plein Mai 68. D'abord réticent, Bertolucci revient dans cet entretien sur «la part la plus sensible» de sa vie.

Pourquoi «The Dreamers» ?

Après Little Buddha, en 1993, je suis rentré en Italie avec l'idée de donner une suite à 1900 en traitant de la deuxième moitié du XXe siècle. 1900 avait été porté par le souffle politique des années 70. Or le sentiment collectif qui avait nourri le film n'existait plus en Italie au début des années 90. J'ai donc dû abandonner l'idée, finalement plus sentimentale qu'urgente. Mais dix ans ont passé, et l'état de la conscience politique actuelle m'atterre tellement qu'à la lecture des souvenirs d'étudiants à Paris, en mai 68, The Holly Innocent de Gilbert Adair, j'ai voulu me servir de la caméra comme d'une machine à remonter le temps. Je voulais y embarquer trois jeunes d'aujourd'hui et les confronter à un passé dont ils ignoraient presque tout. Michael Pitt, Louis Garrel et Eva Green sont les Gérard Depardieu, Robert de Niro et Stephania Sandrelli de 1900, à moins qu'ils ne soient les Jeanne Moreau, Oscar Werner et Henri Serre de Jules et Jim.

Les premières images montrent un jeune cinéphile américain, Matthew (Michael Pitt), à la Cinémathèque : «Il n'y a que les Français pour mettre un cinéma dans un palais !», dit-il. C'est vous ?

Je suis un peu les trois personnages, dévoreur de films à la Cinémathèque du palais de Chaillot, nourri au sein par Henri Langlois, amoureux fou de la culture français