Ingmar Bergman a-t-il voté pour ou contre l'euro ? Au flan, on parierait pour l'abstention : le cinéaste suédois vit retiré sur son île de Farö après avoir clairement fait comprendre au monde entier qu'il souhaite y avoir une paix absolue. Et sans doute définitive, les dernières déclarations de Bergman à ce sujet étaient sans équivoque. Après la disparition de sa femme, Ingmar Bergman, 85 ans, a encore radicalisé sa tangente d'ermite hyperboréen, nous laissant avec cette image de vieillard magnifique au crépuscule d'une vie d'artiste glorieuse, arpentant en solitaire les landes et les plages rocheuses de son caillou isolé, tout là-haut, dans le vent et les embruns du golfe de Finlande. On peut croire un tel homme paré à toute éventualité : «Je préfère le suicide à la décrépitude», avait-il confié il y a quelques années. Profitons donc qu'il soit encore vivant puisque Paris le fête avec une rétrospective (1), une exposition-hommage (2), un cycle télé sur CinéClassic tout le mois d'octobre et, enfin, le livre nécessaire de Jacques Aumont, Ingmar Bergman, tout carrément (3).
Il y a un magnétisme propre au sujet Bergman qui enchante souvent ceux qui s'en approchent : comme ce fut le cas avec Olivier Assayas, le commentaire produit par Aumont sur Bergman agit comme un double révélateur. La révélation du travail sur l'oeuvre, donnée par l'éclairage que l'auteur y apporte, mais aussi la révélation de ce qui fonde la nature du rapport de cet auteur avec le cinéma, ce qu'il y cherche,