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Libération
Critique

Le vernis marocain décapé

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«Mille Mois», chronique terrifiante de la vie sous la dictature de Hassan II.
publié le 1er octobre 2003 à 1h12

Présenté au Festival de Cannes, section Un certain regard, où il s'est vu décerner le prix Premier regard, Mille Mois est le premier long-métrage de Faouzi Bensaïdi, qui a notamment coécrit avec André Téchiné son Loin tangérois. Se déroulant dans un village marocain en 1981, pendant le ramadan, c'est une chronique vue à travers les yeux d'un enfant, Mehdi, à qui l'on a fait croire que son père était parti travailler en France et qui a en fait été jeté en prison pour ses convictions communistes. Sa mère et lui s'installent chez Ahmed, le grand-père.

Mille Mois n'a rien d'un film de débutant, il est même presque terrifiant de maîtrise, une manière distanciée de narrer les petits faits du quotidien qui rappelle Un temps pour vivre, un temps pour mourir de Hou Hsiao-hsien. Le regard que porte le cinéaste sur cette société provinciale dont il est issu, aux mentalités étriquées, soumise à la corruption du caïd local, laisse peu de place à la tendresse. Le règne de l'hypocrisie, de la surveillance communautaire, la terreur qu'inspire la religion sont décrits avec une patience et une pertinence rares. La scène où le maître d'école demande à Mehdi, son chouchou, de corriger des cancres à coups de bâton dans la cour est le genre de poussée de bêtise et de violence que le film jette en pâture au spectateur. Par surprise, entre deux plans placides tournés vers la beauté virgilienne de l'Atlas marocain.

Mille Mois n'est pas le genre de film que les caciques du royaume rêvent d'exporter pou