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Libération
Critique

Des jours avec et des jours sans

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Un homme se dissout toutes les 24 heures : coup de maître de Jean-Charles Fitoussi.
publié le 8 octobre 2003 à 1h18

Grand Prix du festival de Belfort 2002, où pourtant la concurrence était rude, Aura été ou les jours où je n'existe pas est un film autour duquel une invisible communauté peut se souder par télépathie, pour un coup de maître sans modèle, sans faute. Un geste longuement mûri au demeurant puisque la filmo de Fitoussi révèle un court-métrage 1994 (Aura été) puis un moyen 2002 (les Jours où je n'existe pas).

«Celui qui a été ne peut plus désormais ne pas avoir été : désormais ce fait mystérieux et profondément obscur d'avoir vécu est son viatique pour l'éternité.» Cette citation de Vladimir Jankélévitch gravée sur la plaque commémorative de la maison parisienne où le philosophe vécut de 1938 à 1985, lance le récit sur la piste d'Antoine Martin (Antoine Chappey), qui a la particularité de ne vivre qu'un jour sur deux. Passe-muraille, d'humeur morose, Antoine occupe un petit appartement à Montmartre et vit d'une rente accordée par un oncle. Cette existence intermittente qui le voit retourner au néant de minuit à minuit après une journée «pleine» est une damnation absurde, d'autant que ses jours de disparition ne lui laissent pas le moindre souvenir, les jours pleins se soudant aux jours pleins selon une fausse continuité démentie par le calendrier et la datation des gazettes.

Vertu de l'ennui. Craignant de disparaître dans un endroit inconnu ou de revenir devant témoin, Antoine vit seul et ne s'éloigne jamais du périmètre de son appartement. Sa vie intermittente, réduite de moitié,