Marrakech envoyé spécial
Objet cinéphile encore nouveau dans le paysage, le festival international de Marrakech est un cas d'école éloquent. C'est d'abord un des très rares enfants tangibles de ce siècle incertain, avec lequel il partage son origine en forme de baptême du feu. Sa première édition fut en effet inaugurée au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, dans une sorte d'émotion effrayée : malgré le réflexe panique de quelques sommités hollywoodiennes qui annulèrent leur présence, ce festival 01 arrivait à l'heure pile d'une redéfinition des rapports Nord-Sud et devenait spontanément une de ces plates-formes de débats qui manquent encore cruellement au continent africain et à son cinéma. Youssef Chahine, notamment, n'avait pas manqué l'occasion de ce festival originel pour exprimer, sur place et pugnace, la complexité de ses sentiments.
La figure Chahine. A l'échelle du cinéma africain, Chahine est plus qu'un symbole : un précipité vivant des tourments, des énergies et des contradictions du sort fait à l'artiste. Décoré cette année-là par le roi du Maroc, il était à la fois l'un des acteurs majeurs du festival, une sorte de parrain civil et bienveillant de la manifestation, et en même temps il en était le premier germe contestataire, le premier à saisir l'occasion ainsi offerte d'exprimer, chez eux, les problèmes et les inquiétudes des cinéastes arabes. De quoi ces derniers ont-ils aujourd'hui le plus besoin ? D'un festival prestigieux ou d'argent pour faire leurs