«Le pire travers de l'acteur moderne consiste à montrer qu'il possède bien l'intelligence du texte. Et il faut avoir entendu Gérard Philipe réciter des poèmes pour imaginer le plaisir que l'on pourrait éprouver à étrangler un comédien.» Ainsi François Truffaut parlait-il de Gérard Philipe, qu'il n'aimait pas, pas plus que ne l'ont apprécié les autres jeunes Turcs de la nouvelle vague, alors garnements critiques aux Cahiers du cinéma ou à Arts. Truffaut aimait la prose des acteurs américains, ceux qui parlaient peu, dont les corps et l'apparence lui semblaient évoluer «au fil de la vie», de plain pied avec leur époque, faisant fétiche de leur temps. Philipe, au contraire, lui apparut comme la grimace du théâtre à l'écran ou, pire, un «comédien» qui rêve de «poétiser ses rôles».
Truffaut féroce. «Indirigeable», «idole du public féminin entre 14 et 18 ans», «terreur des bons metteurs en scène», «confusionnisme qui porte la marque du TNP», Truffaut n'est pas tendre dans les comptes rendus des trente films tournés par Gérard Philipe, jusqu'à l'estocade, à propos de la Meilleure part d'Allégret : «Je sais au moins trois des meilleurs cinéastes français qui ont préféré renoncer à tourner des films plutôt qu'à devoir y diriger un comédien dont le timbre de voix est véritablement une infirmité. Et plutôt que de se corriger, il en joue à présent comme d'un truc puisqu'il ambitionne de relever la qualité des scénarios qu'il tourne».
Malgré l'exagération, il faut dire que la férocité de T