On croit toujours que le cinéma est un art libre de ses mouvements, et on a théoriquement raison. Mais la preuve formelle de cette liberté est une chose rare. On ne parle pas ici de liberté d'expression, de liberté économique ou de liberté d'esprit. On parle de la liberté absolue pour chaque cinéaste d'inventer ses propres règles de l'art sans ne plus devoir aucun compte aux règles classiques du récit.
Cocteau pourrait être une figure tutélaire pour cette famille d'inclassables, puisque son cinéma a été le grand conquistador clandestin des continents vierges où allait prospérer, entre autres, la nouvelle vague. Mais l'exploration ou la licence poétique ne doivent pas être les cadres légitimes uniques et exclusifs pour avoir la liberté de filmer l'invraisemblable ou le merveilleux. Lorsque, par exemple, un cinéaste aussi matérialiste et athée que Bergman s'autorise, à 60 ans passés, le plan magique et faramineux de Fanny et Alexandre où le grand-père dissimule les deux enfants dans un coffre au fond duquel ils disparaissent effectivement, il produit un geste de cinéma d'une liberté conceptuelle inouïe. On pourrait presque dire la même chose de Dreyer enregistrant paisiblement le miracle dans Ordet : il y a là quelque chose qui ne se discute pas, une imposition autoritaire que le cinéaste et le film refusent obstinément de négocier.
Avec cette même sorte d'autorité, Luis Buñuel a pratiqué jusqu'au bout la disjonction narrative, dans son cas d'inspiration plus surréaliste que mys