Plus que d'habitude, on voudrait s'adresser à vous, insister. Vous demander de nous croire. Ou plutôt d'aller y croire. Non pas que Tiresia soit, selon l'hémorragie désormais obligée des superlatifs «le film le plus (machin) chouette de l'année» même si à ce jeu et à nos yeux il se trouve être le plus... renversant et beau. Mais parce que le film se fonde sur un souhait, presque une folie : croire en un spectateur qui n'aurait pas peur de voyager en lui-même. Un spectateur qui accepterait d'aller chercher en lui le premier volcan et qui, pour réussir cette traversée du vortex, céderait sur tout : sur la vraisemblance, sur la ressemblance, sur la logique... En échange, ce spectateur exigerait de Bertrand Bonello une fable à la hauteur de ce sacrifice. Une fable, c'est-à-dire un instant de philosophie intime. Tiresia lui donnera plus encore : il lui offrira la fable et la créature, tout animale, capable de morsures charnelles.
Ce troisième film (après Quelque chose d'organique et le Pornographe), Bertrand Bonello espérait au départ pouvoir le tourner en Italie (et avec Asia Argento), là même où, une nuit, il y a dix ans, un de ses amis (Luca Fazzi) s'était mis à le rêver. C'est à Paris que Tiresia trouvera au final son incarnation : l'histoire s'est juste déplacée, celle d'un petit garçon des favelas devenu un magnifique transsexuel du bois de Boulogne, se promenant la nuit dans les allées de ce jardin des supplices comme s'il en était la plus jolie des épines, le dard dans l